Pages

16.10.14

Je préfère glisser


Je ne mets jamais les pieds au Starbucks.  Déjà parce qu'ils essayent de faire cool et que ça sonne faux.  C'est grotesque leur truc.  Trying too hard comme ils disent.

Mais surtout parce que faire vingt minutes de queue pour un café ça fait quand même un peu rationnement soviétique vous pensez pas?  Comme ça le matin je peux pas.  La bodega du coin fait l'affaire.



Je ne regarde quasiment jamais la télé non-plus.  Beaucoup de Ricains ne comprennent pas.  Ils me demandent pourquoi.  Parce que vous vous retrouvez à regarder des pubs pendant la moitié du temps.  Du bruit.

J'évite aussi comme la peste le sud de Central Park le weekend.  Des touristes allongés par milliers sur les pelouses ou à pédaler en groupe autour du loop.  Pareil pour le West Village vendredi et samedi.  Ou Fifth Avenue tout le temps.  Je peux pas.  Trop de monde.

New York est une ville où il faut apprendre à contourner ce genre d'emmerdes.  Il faut slalomer entre ces énormes pesanteurs qui ressemblent à de sombres buildings.  Parce que sinon c'est un enfer vous savez.  Vous n'êtes jamais tranquille.

Mais ça c'est juste moi.  Il y en a que ça ne dérange pas.  On dirait qu'il y en a même qui cherchent à s'enliser dans ce genre de merdier.  Jouer des coudes.  Ils y trouvent du plaisir.  C'est une forme de challenge et de compétition.

Les cronuts par exemple.  L'été dernier toute la ville ne parlait que de cronuts.  Il fallait bouffer des cronuts.  Et Karina, ma copine, voulait donc des cronuts.


Elle s'est retrouvée à sept heures du mat' devant la seule boulangerie qui en vendait, derrière 200 personnes qui voulaient elles-aussi des cronuts.  Trois heures de queue.  Dès sept heures du mat'.  Comptez pas sur moi putain.

On s'est vu après son périple, en fin de matinée, sur une table et deux chaises dans Madison Square Park.

Triomphante, elle pose ses deux cronuts sur la table (le maximum qu'on puisse acheter d'ailleurs, pour le petit côté soviétique).

Je croque dedans et elle me regarde avec un grand sourire et les yeux qui trépignent d'impatience.  J'étais curieux moi aussi.  Et bien très franchement, le cronut, c'est dégueulasse.

Je n'ai pas osé le lui dire bien sûr.  Alors elle y est retrournée le lendemain.  Même topo.  Sept heures du mat'.  Trois heures de queue.  J'irai en enfer.

Certains choisissent de défier New York.  De lui rentrer dedans tête baissée, en se faisant de la place à coups de coudes bien placés.  Ils vivent à la fois avec et contre la ville.

Je préfère la souplesse.  Me faufiler dans la vie New Yorkaise avec l'agilité de celui qui vit sans trop s'emmerder pour rien.  Aller au Shake Shack le Dimanche en plein Financial District par exemple.  Y'a personne.  Dans tous les autres c'est la guerre.

Ou sortir le weekend dans des speakeasy encore pas trop connus.  Y passer la soirée à brancher des filles alcoolisées dans des ambiances tamisées.  Alors qu'ailleurs ça se frotte les aisselles entre étudiants survoltés et B&Ts cocaïnés en se battant pour, peut-être, une Bud Light.

Et dans la vie en général c'est comme ça aussi.  Eviter les difficultés inutiles.  Les souffrances qui retiennent.  C'est pas la peine.  La rivière glisse entre les rochers tout le long de son chemin.  Ha!


The Harder They Come by Jimmy Cliff on Grooveshark
"And then the harder they come
The harder they fall, one and all"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire