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18.3.14

Comment ne pas tous crever


C'est cool les nouvelles technologies.  Elles permettent de faire des choses incroyables.  Et en plus c'est gratos.

C'est quand même sympa d'avoir toute la musique à portée de clique sans avoir à payer un centime (ou pour presque rien, si vous faites les choses de façon légale).

De rechercher tout le web en une fraction de seconde.  Ou de passer des heures sur Facebook et Twitter.  A l'oeil.

C'est beau hein?  Trop beau pour être vrai?  Evidemment.



On sait que ces services sont gratuits parce qu'ils apprennent à vous connaître mieux que vos propres mères.  Et qu'ils en retirent des informations vendues à prix d'or aux annonceurs.

Et alors?  Où est le problème?

Le problème est que les revenus colossaux générés par ces services ne profitent qu'à une poignée de personnes.  A ceux qui détiennent ces services.  Qui analysent les montagnes d'informations extraites de nos comportements.  Et qui les monétisent auprès d'annonceurs.

Mais nous les internautes, nous qui fournissons - souvent à notre insu - les informations à partir desquelles cette valeur est créée, nous n'en voyons jamais la couleur.

Le problème est que l'économie de l'information a concentré la richesse et le pouvoir dans des proportions considérables.  Et qu'en même temps cette économie est en train de détruire la classe moyenne en mettant une industrie après l'autre à genoux.

Les choses pourraient être différentes.

Les plus grosses boîtes sont déjà technologiques.  Elles génèrent des revenus de mastodonte.  Mais leur impact sur l'emploi n'est que marginal.

Google vaut presque 500 000 000 000 de dollars mais n'emploie que 50 000 personnes.  Apple c'est plus de 170 milliards de dollars en 2013 avec moins de 80 000 salariés.  Essentiellement des talents.  Extrêmement qualifiés.  Des petits génis payés en conséquence.  Mais peu nombreux.

Au contraire, le General Motors des années '70 employait des millions de personnes.  Du manutentionnaire au technicien en passant par l'ingénieur.  Ce qu'on appelle une "classe moyenne".

C'est ainsi que les fruits de la croissance créés par les nouvelles technologies ne profitent qu'à une poignée de personnes.  Et qu'elle est par ailleurs en train de tuer la classe moyenne en détruisant des emplois et des industries entières.  De creuser les inégalités.  Et ce n'est que le début.

Le progrès technologique a toujours supprimé des emplois pour en créer de nouveaux.  C'est vrai.  Mais les choses sont aujoud'hui très différentes.

Regardez l'industrie de la musique..



Dans le monde pré-Internet il fallait fabriquer un disque dans une usine.  Un type le livrait en magasin.  Ce magasin employait des vendeurs, etc.

La numérisation des enregistrements a rendu tous ces emplois intermédiaires obsolètes. Sans pour autant en créer de nouveaux.

Perso, j'adore avoir accès à toute la musique du monde sans avoir à bouger de mon canapé.  Mais le fait est que la mort de cette industrie a aussi été celle de toutes les personnes qu'elle faisait vivre.

Alors bien sûr.  Le monde peut survivre après avoir anéanti l'industrie de la musique.  Mais combien d'autres industries l'économie de l'information peut-elle tuer sans tout foutre en l'air pour de bon?

Voici la réponse qu'on répète à longueur de soirée dans la Silicon Valley: l'économie de l'information bouffe le monde.  Et l'information sera bientôt au coeur de toutes les industries.  Toutes.  C'est une évidence.  Or, l'information étant gratuite, il sera bientôt possible de vivre très bien et pour presque rien.

La nourriture sera produite par des machines intelligentes.  Les voitures seront dessinées et construites par des robots de A à Z et pour une bouchée de pain.  Les avions conduits par des ordinateurs et la chirurgie effectuée par des machines.

L'information sera la matière première de tout produit et de tout service.  Ainsi tout sera fabriqué pour quasiment rien.  La vie ne sera qu'abondance.

Mais on peut en douter.  Parce que le monde n'a jamais fonctionné ainsi.  Ce serait juste une version updatée d'un autre cauchemar communiste.

Il faut penser un autre modèle.  Réaliste.  Un système où l'information permettrait de recréer la classe moyenne qu'elle est en train de détruire à mesure qu'elle s'étend d'une industrie à une autre.

Une classe qui profiterait elle-aussi des fruits de la croissance de l'économie de l'information.  C'est possible.  Et d'autant plus urgent que toute l'économie sera bientôt une gigantesque économie de l'information.

Pendant que vous lisez ceci, des milliers de supercomputers analysent vos données.  Les pages que vous visitez, les posts que vous "likez" ou les informations que votre iPhone envoie constamment vers les serveurs d'Apple depuis votre poche.

Leur objectif?  Tirer de votre comportement des statistiques afin d'optimiser les publicités servies à ceux qui vous ressemblent.



Mais ce système n'est pas viable.  Parce que si la classe moyenne disparaît à mesure que l'économie de l'information "bouffe le monde", qui va acheter les produits promus par des publicités, aussi finement ciblées soient-elles?

Voici une idée simple: rémunérer les utilisateurs qui fournissent aux services les données qui se changent en milliards de dollars de revenus.

Google améliore ses publicités après que vous ayez cliqué sur un lien parce que votre profil l'intéresse?  Il vous reverse une part de la valeur qu'il génère par cette information.  Pareil pour Facebook.  Et pour Amazon.  Et ainsi de suite.

L'analyse de vos comportements permettent à ces services de créer une valeur considérable.  Mais seuls ceux-ci en bénéficient.  Pourquoi les internautes ne seraient-ils pas rémunérés pour la valeur qu'ils contribuent à créer?  Pour les informations qu'ils fournissent et qui leur appartiennent?

Et il en va de même pour les traducteurs de livres qui alimentent sans le savoir Google Translate.

Et demain pour les chirurgiens qui, par l'analyse de leur travail, permettront aux machines d'opérer plus intelligemment.  Ou aux chef-cuisiniers dont l'étude automatisée des recettes permet déjà de créer des plats apparemment délicieux.  Sans qu'un seul centime ne soit reversé à qui que ce soit..

Ces machines intelligentes seront toujours alimentées par des données brutes.  D'origine humaine.  Qu'il s'agisse de vos données de navigation sur Internet ou du travail d'un chirurgien.

Ces humains doivent être rémunérés pour la valeur qu'ils contribuent à créer.  Pour que chacun bénéficie des fruits de la croissance du futur.  Et pour que la richesse et le pouvoir cesse de se concentrer entre les quelques mains qui récupèrent et traitent l'information.

Bien sûr, ces informations, nos informations, sont brutes.  Elles n'ont de valeur qu'après avoir été traitées et monétisées.  Mais ça ne signifie pas qu'elles n'ont pas de valeur en soi.  Bien au contraire.

Un puit de pétrole n'a par exemple aucune valeur intrinsèque.  Il faut en extraire l'or noir, le raffiner, le transporter, le distribuer, etc. avant d'en tirer un profit.  Mais le propriétaire du puit contenant le pétrole brut est rémunéré par ceux qui l'exploite.

Pourquoi les choses devraient-elles être différentes avec l'information?



Cela suppose de mettre en place une comptabilité qui s'applique à l'information.  Et pas seulement aux données financières comme c'est aujourd'hui le cas.

Ca implique aussi de prendre les individus pour ce qu'ils sont: des individus.  Et pas seulement de minuscules particules anonymes d'un grand ensemble statistique.

Ce serait quand même pas mal.

L'économie de l'information bénéficierait à tous ceux qui contribuent à y créer de la valeur.  Elle favoriserait l'individualité et la créativité.  Elle serait viable.  Sur le long terme.  Et pour tous.


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"We all need some fuckin' cash"

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