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25.9.13

Pourquoi les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent


On dit que les Etats-Unis ont une des démocraties les plus abouties.  Elle est censée garantir la liberté individuelle et le droit à la "Poursuite du Bonheur".

Il suffit pourtant de se ballader un peu sur Park Avenue pour constater que tout n'est pas si simple.

Cette avenue mythique tient sa légende de sa partie située dans l'Upper East Side.  Ici résident les milliardaires qui tirent les ficelles de notre monde.  


Déménager au 740 Park?  C'est $ 30 000 000 l'appart'


Marchez maintenant quelques kilomètres vers le Nord, passez la Harlem River et vous serez toujours sur Park, mais dans le Bronx.  La pauvreté n'y a rien à envier à celle de beaucoup de pays du tiers-monde.

New York est la ville la plus inégalitaire d'un des pays les plus inégalitaires au Monde.  Ce n'est ni bon ni mauvais.  C'est juste la réalité.  Et cette réalité n'a cessé de s'accentuer depuis la fin des années '70.

C'est pas très compliqué: depuis 1979, la richesse relative du 1% des plus riches Américains a augmenté de 285%, alors qu'elle a fondu de moitié pour 80% d'entre eux.  83% des hausses de revenus en 2010 ont par ailleurs été accaparés par le 1% des plus riches.

Pourquoi une telle augmentation des inégalités?  Les économistes ne sont pas d'accord.

Certains attribuent cette divergence au fait que les riches soient de moins en moins taxés.  La cause en est l'influence grandissante de l'argent dans le système politique US.  Plus vous financez de campagnes d'hommes politiques, plus ils vous accordent de faveurs, notamment fiscales.  Normal.

Obama a même passé une loi en 2010 qui supprime toute limite au montant à hauteur duquel chacun, particulier ou entreprise, peut contribuer au financement d'une campagne.  L'exemple le plus criant est celui des fameux frères Koch, qui ont injecté un montant total d'environ 196 millions de dollars dans le système!  Boom.  De quoi vous transformer tout législateur en petite pute soumise.

Le célèbre milliardaire Warren Buffet a d'ailleurs avoué son embarras en réalisant que sa secrétaire payait des impôts à un taux bien plus élevé que le sien.


The Fabulous Koch Brothers


Mais ce système n'explique pas vraiment le gouffre qui se creuse entre les très riches et tous les autres.  La vraie question: pourquoi les plus riches ont-ils capté, depuis la fin des années '70, une part tellement disproportionnée de la croissance?

La mondialisation et les technologies de l'information sont un début de réponse.  Elles ont stimulé l'économie de façon considérable, en ouvrant aux entreprises des marchés qui leur étaient jusqu'alors inaccessibles.  Mais elles ont aussi augmenté la compétition dans les mêmes proportions.

Les opportunités, tout comme les menaces, sont aujourd'hui décuplées.

Les dirigeants d'entreprises ont donc vu la valeur de leurs compétences multipliée, car de bonnes décisions génèrent des revenus considérables, tandis que de mauvaises décisions peuvent faire crouler une entreprise sous le poids de la concurrence internationale.

Ce n'est pas tout.  Le changement de paradigme économique depuis les années '70 a également contribué à creuser les inégalités.

Les pays développés, comme les US et notre douce France, vivent aujourd'hui dans une économie du savoir et de l'immatériel.  La créativité, l'analyse et le marketing y occupent une place centrale.  Ces compétences requièrent des employés beaucoup plus qualifiés que dans la société industrielle, qui a commencé à pérécliter dans le courant des années '70.

Le problème est que s'ils sont plus qualifiés et donc mieux payés, ces employés sont aussi beaucoup moins nombreux.




Comparez une entreprise comme Apple, représentative du 21è siècle, avec General Motors, une des plus grosses boîtes des années '70:

Apple emploie seulement 76 000 personnes (45 000 pour Google), alors que General Motors était le plus important employeur dans les années '70.  Il payait des salaires confortables, car ses marges le lui permettaient et que son activité exigeait des niveaux de compétences raisonnables, accessibles au plus grand nombre (techniciens, etc.).

L'industrie américaine s'est depuis effacée au profit de pays comme la Chine.  La situation est aujourd'hui très différente.

Les entreprises majeures n'ont jamais aussi peu embauché, car la nature de notre économie a changé.  Et oú sont passés les emplois?

Dans des secteurs tels que les chaînes de restaurants et les supermachés (qui emploient 5,4 millions de personnes aux US).  Les marges y sont beaucoup plus réduites que dans l'industrie, les compétences requises "to flip a burger" sont très limitées et les salaires y sont par conséquent misérables.

D'un autre côté, les entreprises qui tirent la croissance, telles qu'Apple, requièrent des niveaux de compétences élevées mais n'ont qu'un impact marginal sur l'emploi.

Les fruits de la croissance, plutôt que de bénéficier au plus grand nombre par le biais de l'emploi, profite donc surtout aux actionnaires de ces entreprises et aux quelques talents qu'elles emploient.



Le reste des Américains, c'est-à-dire l'écrasante majorité qui ne trouve pas sa place dans l'économie du savoir et de l'immatériel, est reléguée à des emplois très peu qualifiés et aux petits salaires qui vont avec.

La classe moyenne disparait donc, parce que l'économie du savoir a pris le pas sur l'industrie.  Les revenus des capitaux et du talent ne laissent que des miettes à ceux qui n'ont ni capital, ni talent particulier.

Ajoutez à cela la dérégulation de la finance des années '80, qui permet aux riches de devenir très riches et qui a créé une véritable aristocratie en la personne de ceux qui la contrôlent, et la boucle est bouclée.

On pourrait citer bien d'autres raisons à la disparition de la classe moyenne, comme par exemple le fait que les nouvelles technologies aient rendu beaucoup d'emplois obsolètes.  Tout cela n'a rien d'exhaustif, mais explique en partie la situation des Etats-Unis et de beaucoup d'autres pays développés.

L'un dans l'autre, la croissance des inégalités est certes préoccupante; elle peut menacer la stabilité de la société dans son ensemble, comme on commence à le voir avec des mouvements tels qu'Occupy Wall Street.



Mais cette croissance des inégalités est-elle injuste?  Oui et non.

Non, parce qu'elle prend racine dans les lois du marché, froides et logiques, qui ont décuplé la valeur des compétences de quelques individus.

Si vous créez davantage de valeur, il est normal que vos revenus augmentent en conséquence.  L'inverse est aussi vrai.  La croissance de l'inégalité des revenus est donc en partie justifiée.

Mais elle est aussi injuste dans la mesure où l'argent permet d'acheter une rente de situation qui est insupportable, parce que non-justifiée, à ceux qui n'en bénéficient pas.

Elle permet de payer moins d'impôts en s'achetant la complaisance du législateur.

Elle permet de multiplier son patrimoine par le biais d'une industrie de la finance qui échappe au coup de la loi, au profit des plus riches et au détriment de tous les autres (remember 2008?).  Et ne parlons même pas du coût de l'éducation aux Etats-Unis, qui contribue à inhiber le renouvellement des élites.

Comme toujours et depuis la nuit des temps, un déséquilibre des forces trop prononcé entraîne des évènements qui le rétablit.

Souvent, ces évènements ont été des guerres et des révolutions.  Parfois, et c'est un des intérêts de la démocratie, les changements se font de manière organique, par la simple volonté du peuple.

L'éducation pourrait être un début de solution.  Aux Etats-Unis, 52% des employeurs affirment rencontrer des difficultés pour trouver des personnes ayant les bonnes qualifications pour occuper certains postes.

Nous vivons aujoud'hui dans une économie de l'information, mais les systèmes éducatifs tardent à s'y adapter, ce qui explique l'importance du nombre d'emplois qualifiés non-pourvus.  Et devinez quoi?  Ces postes sont presque tous qualifiés ou très qualifiés, dans des domaines tels que la création, l'analyse ou le marketing.

Ce qui va déterminer la forme du changement, et la capacité d'adaptation du système éducatif, est donc l'étendue de la corruption du système politique.  Si l'influence du smacker à Washington empêche la démocratie de fonctionner correctement, et au gouvernement d'agir sur les causes injustifiées des inégalités, alors on verra d'autres OWS gagner en nombre et en intensité.

On le sait en France: le peuple qui gronde doit être entendu.  Surtout quand il n'a pas que de mauvaises raisons de gronder...

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