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28.8.13

L'angoisse des New Yorkais


A chaque culture ses vices.  En France on est triste.  A New York on s'angoisse.

De prime abord, les New Yorkais sont joviaux, affables et mordent la vie à pleines dents.  Et c'est vraiment le cas.  Mais beaucoup sont aussi habités par un niveau d'angoisse qui frise la névrose.

C'est vrai qu'il y a des raisons d'être angoissé aux Etats-Unis.  Les Américains sont censés être responsables d'eux-même, et ne jamais rien attendre de la société.  Chacun a ce qu'il mérite et ne peut compter que sur lui-même.  De là vient le respect de celui qui réussit, et non la jalousie comme par chez nous, mais aussi la peur des lendemains.  Pas de filet de sécurité.  C'est le libéralisme dans ce qu'il a de pire et de meilleur.

Mais quand même.  Beaucoup montrent une angoisse souvent irrationnelle.  Des gens qui ont de belles carrières, et qui sont terrifiés à l'idée de devoir trouver un nouveau job.  Des filles spendides qui ont peur de se retrouver seules.  Et je vous passe toutes les petites névroses, dont la plus répandue à New York: la terreur des germes.

Pour moi, deux raisons principales à cette angoisse, qui habite les New Yorkais comme la tristesse habite les Parisiens.



D'abord le fait que chacun attende le meilleur de la vie.  Et strictement le meilleur.  Les Américains sont extrêmement compétitifs, et sont aussi des rêveurs invétérés.  Ils veulent une vie "larger than life", coûte que coûte.  Ils veulent réussir, être "successful" plus que tout.  A New York tu dois donner le meilleur de toi, constamment, jusqu'à ce que tu "touch the sky".  Et même après.

Ils trouvent les Français charmants et exotiques avec leur philosophie du "travailler pour vivre", tellement éloigné de leur "vivre pour travailler", mais ils ne trouvent pas tout ça très sérieux.  Alors forcément, quand on passe ses nuits et ses journées à regarder les étoiles, on finit par se trouver angoissé à l'idée de ne jamais pouvoir les atteindre.  A l'idée de ne pas pouvoir se réaliser pleinement.

Une autre raison est liée à la façon dont les Américains éduquent leurs enfants.  Le mythe de l'enfant-roi n'en est pas un outre-Atlantique.  Si les Etats-Unis avaient un roi, il aurait moins de 8 ans.

"The King is not pleased" (source: HONY)

New York est par exemple une ville où on laisse sa place de métro aux enfants.  Une ville où un prof se plaignant d'un gosse aura d'abord à faire face aux représailles des parents.  Où on apprend aux enfants à ne pas être intimidés par l'autorité (celle des profs ou de tout autre adulte), tout en les sur-protégeant de tout ce que la ville et la vie peut représenter comme menace.

D'un côté, ça donne aux enfants un sentiment d'indépendance face à l'autorité qu'ils garderont toute leur vie.  Et aussi la conscience d'être entièrement responsable de leur vie, ce qui va avec.  Au contraire de la France, où on apprend à craindre l'autorité et à beaucoup attendre de la société.  Mais d'un autre côté, sur-protéger les enfants comme le font les Américains les conduit à craindre le moindre imprévu.  A être terrifié par l'avenir.

En France, on attend le pire avec un certain fatalisme.  Ca nous rend tristes mais aussi résignés et pas trop angoissés.

Aux Etats-Unis, on attend le meilleur et rien de moins.  Ca énergise et ça rempli d'espoir, mais le moindre doute devient dévastateur.

Pour vivre heureux aux Etats-Unis, mieux vaut donc être armé d'un peu de morosité bien française..

Here Comes the Anxiety by The Wombats on Grooveshark




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