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8.3.15

Retour éclair à Paris


Putain deux ans. Deux ans que je n'avais pas remis les pieds à Paris. Alors après qu'un coup d'ARCTIC BLAST de trop ait soufflé sur New York j'y suis revenu pour un long weekend. Et quel plaisir.


Vous savez, les villes sont un peu comme les filles. Quand elles sont juste à côté on commet parfois l'erreur de les oublier. Et c'est seulement quand elles s'éloignent qu'elles commencent vraiment à nous manquer.

Ma ville s'éloignait à mesure que les coups de fils de mes amis s'espaçaient. Que ma famille s'aggrandissait sans que je n'en vois grandir les petits derniers. Je devais rentrer pour lui rappeler que j'existais.

Je vous passe le récit des retrouvailles. L'émotion de serrer dans mes bras toutes ces personnes qui ont disparues de mon quotidien, mais qui sont les seules à vraiment compter. Je vous parlerais plutôt du reste.

De ces deux potes New Yorkais qui m'accompagnaient avec une bonne copine par exemple. Cette dernière venait découvrir Paris-ville-lumière. Les deux autres étaient surtout là pour niquer. Survoltés à l'idée d'attraper, peut-être, une petite Parisienne. Un fantasme sur pattes outre-Atlantique.



Alors pour ne pas qu'ils soient déçus je leur ai expliqué le peu que je savais. Une sorte de mise en garde.

Les gars. Calmez-vous parce que Paris c'est pas New York. Vous n'allez pas pécho comme ça.

Déjà ici les filles de Paris ne se laissent pas vraiment aborder. Elles seront attablées entre copines dans les bars ou les cafés et feront tout pour vous éviter. En tous cas elles s'en donneront l'air. Et si vous les approchez vous les sentirez se frigidifier dans l'instant. Alors va falloir ruser.

Et ne vous laissez pas non-plus avoir par les jeux de regards parce qu'en général c'est du bidon.

Dans la rue on se dévore des yeux mais c'est uniquement parce que de toute façon on ne se parlera pas.

Par contre dans les cafés ou dans les bars, où l'on risquerait bien de se rencontrer, on s'effleure à peine du regard. On se snob et on s'évite. La Parisienne vous file entre les doigts en vous les tordant si elle le peut. La New Yorkaise les dirigera plutôt dans sa culotte.

Parce qu'à New York c'est tout le contraire. Le regard est utilitaire. On ne se regarde jamais dans la rue parce que ça ne sert à rien. Pas le temps de s'arrêter. Mais dans les bars ça se fusille du regard pour initier le contact. And then some..

J'expliquais tout ça autour de notre premier verre de rouge. Sous le regard amusé de mon amie, qui avaient autant d'idées derrière la tête que nous trois réunis mais qui n'en disait pas un mot. Elle n'aurait aucun mal à se satisfaire. Elle le savait. Pas besoin d'en parler.

La difficulté est donc d'initier le contact. Il faut le provoquer. Le forcer. Parce que sinon rien ne se passe jamais.

Mais si vous plaisez à une Française pas de first-date/second-date/third-date-et-on-nique-ou-au-moins-un-blowjob. Souvent elle vous ramènera chez elle le soir-même.

Alors après la théorie place à la pratique. Bon, pour tout vous dire j'étais un peu rouillé niveau "endroits où il faut aller".

Je voulais fuir les bars/boîtes branchés parce que je savais que ça allait les ennuyer. Ces endroits où l'on se snobe tellement qu'on finit par s'emmerder. Vaines tentatives de se distinguer. Tous ces beaux visages constipés qui ne daignent pas s'amuser. So Paris. J'ai épargné ça à mes amis New Yorkais.

Je me souvenais aussi de la rue des Canettes et de ses bars bourrés de têtes atroces, qui donnent l'impression de passer son Samedi soir au fin-fond d'un village Wallon.

Et aussi de certains bars du Marais où on n'est jamais très loin de se faire glisser un pouce dans le cul.


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Heureusement, mes endroits préférés n'avaient pas bougés, et surtout pas celui qui a toujours tenu ses promesses.

Enfin. Malgré tout ça un de mes potes a beaucoup hésité avant de se lancer. Il n'osait pas. Et puis quand il y a finalement été c'était pour se prendre rateau sur rateau. Il en rigolait mais ça faisant quand même de la peine. Le pauvre s'est finalement retrouvé à visiter la Tour Eiffel.

Par contre l'autre les enchainait les unes après les autres. Le bougre mangeait à tous les râteliers. Déchainé.

Des petites et des grandes. Des fines et des grasses. De la Portugaise et de la bien Française. Equal opportunity. C'était beau à voir un tel succès. Surtout pour un type qui vous sortait presque toujours des mots d'Espagnol en pensant vous impressionner avec son Français.

Et puis aussi mon amie, qui a disparue après le premier dîner et qu'on n'a revue que dans l'avion au moment de décoller. Ils ont adoré Paris et ça m'a fait plaisir. Et même Keith a kiffé, celui qui ne reviendra qu'avec des selfies du haut de la belle Tour Eiffel.

Et quant à moi?

Elle était galeriste à Saint-Germain. J'avais à peine mis un pied dans sa boutique que j'étais déjà tombé un peu amoureux. Elle avait 37-38 ans. Une femme magnifique. Grande, fine, cheveux châtains et grands yeux verts. Des traits fins. De très longues jambes. Une voix douce et intelligente. Elle était splendide.

C'était ce genre de femme dont la beauté surgit comme ça, sans prévenir, et vous coupe le souffle pendant quelques minutes ou quelques années.

Je suis sorti de sa boutique en n'ayant pu prononcer qu'un mot ou deux. Quel crétin. J'ai pris un taxi en me demandant comment je pouvais laisser passer des filles pareilles, sans même essayer de les retenir un petit peu.

Alors je suis retourné dans cette galerie. Mais elle était fermée. Pas de chance, c'était l'heure du déjeuner. C'est vrai qu'on est en France putain.

Je lui ai donc glissé un petit mot sous la porte. Le simple espoir de la revoir m'excitait comme un adolescent boutonneux devant son premier Playboy. C'est con, mais si vous l'aviez vue vous comprendriez.

Juste quelques mots pour lui dire qu'elle était renversante et que je repartais le lendemain - avec mon numéro en bas.

Je reçois un texto environ une heure plus tard. La sonnerie du téléphone était le coup de feu qui marquait le départ d'un sprint dans ma poitrine. Je me surprenais moi-même de ces réactions.

Elle me remerciait très poliment de mon intention mais m'indiquait qu'elle était prise. Je vous déroberai juste le temps d'un café. Juste un café alors. Promis. Retrouvez-moi dans trois heures au Rouquet. J'y serai.

Et le soir-même ses longues jambes m'enlaçaient par la taille dans la chambre 51 de l'Hôtel.

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J'y ai passé la nuit et le petit matin en compagnie d'une déesse. Une de ces nuits dont on se souvient des années durant, un frémissement dans le pantalon en écho à ses gémissements. Sur ce coup là j'ai eu une chance inouïe.

Nous nous sommes quitté devant la galerie qui restera le lieu de notre rencontre. Une nouvelle journée s'annonçait, et ma dernière matinée à Paris. Plus que quelques heures pour en profiter.

Je flottais rue de Seine comme dans une veine.

Ses immeubles aux pierres centenaires n'avaient en rien changé. Mon âme habitait toujours derrière ses grandes fenêtres. Elle ne les a jamais vraiment quittée - je commençais à peine à m'en rendre compte.

J'observais la Seine couler dans l'artère qui irrigue la ville, suspendu entre le Louvre et l'Institut de France. Le soleil se levait derrière l'Ile de la Cité et tout le paysage s'est illuminé. La beauté de Paris était intacte. J'étais un atome qui avait retrouvé sa place.

Comment ai-je pu quitter Paris si longtemps? New York est un nouvel amour. Mais Paris est cette connasse sublime qu'on regrettera toujours de ne pas avoir su assez aimer.


-- Herb Alpert - Love Potion #9

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