Mon pote Keith, musicien brillant, m'a appelé le weekend dernier. Pour me proposer d'aller aux bains russes du East Village.
J'adore le East Village. Et j'adore le hammam aussi. Mais faut quand même faire gaffe. On a vite fait de se retrouver avec un pouce dans le cul vous savez.
Surtout downtown Manhattan. A fortiori au hammam.
Je retrouve donc Keith devant les bains sur East 9th Street. On se connait bien lui et moi. On s'est tout-de-suite entendu. Peut-être parce qu'il est complètement cinglé.
Aujourd'hui Keith est préoccupé. Dans la chaleur du hammam il m'explique avoir un problème. Un vrai problème. Suffisamment sérieux pour l'éjecter en dehors de toute forme de société.
Et allez savoir pourquoi c'est à moi qu'il est venu demander conseil. Peut-être parce que seul un fou peut comprendre un autre fou. Enfin.
Le bougre a perdu tout contrôle sur ses pulsions. C'est très emmerdant. Vous allez voir à quel point.
Vous entendez souvent cette petite voix qui vous murmure de faire des trucs incensés? Vous savez, cette voix qu'on n'entend à peine car notre raison la fait taire aussitôt. Elle nous commande de claquer le cuisseau qui nous fait de l'oeil dans les marches du métro par exemple...
Et bien cette voix hurle dans la tête de Keith à travers le mégaphone de sa petite démence. Elle le réduit à l'esclavage. Il fait tout ce qu'il lui passe par la tête. Sans le moindre contrôle.
Pareil avec les filles. Tout homme qui voit une jolie fille est envahi de pensées perverses. Mais il les garde pour lui. Pas Keith.
La semaine dernière il tenait la porte à une inconnue en entrant dans un bar. Touchée par sa galanterie, elle lui sourit en le remerciant. Il a dégainé sans prévenir:
La pauvre fille n'a pas bronché. Probablement traumatisée. Son esprit venait d'être violé par ces pensées masculines. Des pensées banales. Mais prononcées.
Il me demande si je pense qu'il devrait aller voir un psy, comme à peu près tout le reste de cette ville.
Il avait l'air un peu rassuré.
En sortant des bains il m'a invité à une fête le soir-même. Sur un rooftop du East Village. Il m'a glissé qu'il y aurait une surprise.
J'avais très hâte d'être à cette soirée. De me laisser bercer par cette folie douce qui fait le charme du East Village.
Et quand je suis arrivé sur le toit quelques heures plus tard j'ai tout-de-suite compris le sens de "la surprise". Toutes les filles étaient seins nus. C'était le thème. Tout le monde torse-nu.
Rien de vraiment surprenant pour downtown Manhattan. Et tellement plus sympa que toutes ces soirées déguisées que j'ai connues à Paris. Ces soirées où seul l'ennui n'est pas affublé.
Je rejoins Keith et sa petite bande, allongés sur un matelas. Ils étaient en pleine discussion avec trois paires de seins.
C'était en fin de journée. Une magnifique fin de journée. Le ciel était rouge. Nous prenions les derniers rayons de soleil en descendant des bières. La vie était belle.
Mais je sentais bien tout le potentiel de cette soirée à déraper sans prévenir. Je me suis promis de ne pas trop boire. Pour garder le contrôle. Les nuits du East Village sont très bon-enfant mais terminent généralement en tourbillon infernal.
Pour l'heure la soirée était magique. Tout le monde était ici pour s'amuser. Sans préjugé. Les gens étaient aussi décontractés que leurs tenues vestimentaires.
Un groupe de punks jouait du jazz manouche. L'alcool rendait très belles les filles topless. On était bien.
Chaque nouvelle bière ajoutait un peu plus de beauté à ces visages piercés. Les seins devenaient plus fermes. Les culs plus rebondis. Et je buvais une bière après l'autre. Parce que vous connaissez ma passion pour les culs bien rebondis.
Un autre groupe nous a rejoint avec une bouteille de Tequila. On s'est mis à boire des shots. Tout le monde était artiste. Musicien. Comédien. Peintre. Danseuse. Ce petit groupe était aussi sympathique que déjanté. Finalement la modération attendra bien demain.
Et doucement la nuit tombait.. Je voulais absorber toute la magie de cette soirée et me suis mis à papilloner.
Une fille dansait avec un boa. Ses seuls vêtements étaient tatoués. Le spectacle de cette fille nue s'agitant autour de son animal phallique était hypnotisant. On lui prêtait une attention détachée. Un truc normal quoi.
Je rejoins mon groupe d'amis assis en cercle. La nuit était complètement tombée. D'autres seins sont arrivés. Et une pipe s'est mise à tourner.
Quand elle est arrivée à moi un pote de Keith m'a tout-de-suite prévenu: "You know that's crack right?".
Merde. Et moi qui ai toujours eu horreur de la coke. Alors le crack... J'ai passé mon tour.
La pipe a repris son chemin sous les étoiles, autour de ce groupe riche en filles dénudées. Leurs lèvres embrassaient les unes après les autres le petit tuyau de verre. Elles faisaient légèrement ressortir leurs seins quand elles aspiraient. Mes yeux s'écarquillaient autant que les leurs.
La conversation s'agitait un peu plus à chaque fois que la pipe achevait un nouveau tour. Deux filles assises à côté de Keith ont commencé à se tripoter. Et puis à tripoter mon pote qui semblait avoir oublié tous ses soucis. La pipe m'est repassée par les doigts.
J'y ai mis la bouche.
La fille assise juste à côté m'a sussuré dans l'oreille en me serrant la cuisse: "Don't inhale the smoke Frenchie. That's not like weed."
Le caillou s'est mis à grésiller. J'en ai gardé la fumée quelques secondes avant de la recracher. Et un troupeau de chevaux s'est immédiatement mis à me galoper sur le crâne. J'avais la tête branchée à une centrale nucléaire.
La pipe tournait de plus en plus vite. Comme le débit de mes paroles. Une des filles m'a roulé une pelle sans prévenir. Une autre déclamait des poèmes survoltés. Un type se faisait sucer dans un coin. Et après ça je ne me souviens de rien.
Allez savoir par quel miracle, c'est dans mon lit que je me suis réveillé le lendemain. Mais j'étais dans un état épouvantable. Complètement déprimé. Je voulais me jeter par la fenêtre.
Je suis sorti pour chasser ces pensées. Dirigé péniblement vers Central Park. Assis sur un banc au niveau de 86th Street. Il faisait très beau. Le soleil brillait. Et j'étais sur le point de craquer.
Un homme d'une cinquantaine d'années s'est alors assis à côté de moi. Il commence à me parler. Perçoit ma détresse. Me demande si tout va bien.
Je confie mon désespoir à cet inconnu, dans cet anonymat qui compte au nombre des délices de New York.
Je lui dis que la vie n'a aucun sens. La mienne, en particulier. Et je lui demande comment les gens peuvent patienter si longtemps avant de crever. C'était pas la joie.
Je suis d'accord avec lui mais pas aujourd'hui. Hier je me suis trop amusé. Et aujourd'hui j'ai envie de me flinguer. Cette soirée dans le East Village m'a vraiment fracassé. Je ne pensais qu'à reprendre de cette saloperie.
Alors sur ce banc bercé par le calme de l'Upper West Side je me suis fait une promesse. Jamais je ne déménagerai à downtown. Jamais.
C'est beaucoup trop taré. Et je suis moi-même assez cinglé.
Je risquerais bien de m'y trouver. Et de me perdre pour toujours.
"Your mama said packing lines is sin"
Vous entendez souvent cette petite voix qui vous murmure de faire des trucs incensés? Vous savez, cette voix qu'on n'entend à peine car notre raison la fait taire aussitôt. Elle nous commande de claquer le cuisseau qui nous fait de l'oeil dans les marches du métro par exemple...
Et bien cette voix hurle dans la tête de Keith à travers le mégaphone de sa petite démence. Elle le réduit à l'esclavage. Il fait tout ce qu'il lui passe par la tête. Sans le moindre contrôle.
"I was at the diner last night" me confie-t-il, entouré de vapeur:
"Tu sais que suis fauché comme les blés en ce moment. Et ben je ne pensais qu'à ça en bouffant ma soupe.
Bref. Un type mangeait des frites au comptoir avec ses mains dégueulasses. Et je sais pas pourquoi mais en partant j'ai plongé ma main dans son assiette pour en saisir une bonne poignée. Comme ça.
Je ne m'en suis rendu compte qu'une fois que ma face était pleine de frites. Le type n'a rien compris.
Je crois que cette fois ça y est. Je deviens cinglé pour de bon."
Pareil avec les filles. Tout homme qui voit une jolie fille est envahi de pensées perverses. Mais il les garde pour lui. Pas Keith.
La semaine dernière il tenait la porte à une inconnue en entrant dans un bar. Touchée par sa galanterie, elle lui sourit en le remerciant. Il a dégainé sans prévenir:
"Oh-oh-oh, look what we have here! FANTASTIC ass baby. Really. I'd pound it for hours if you let me. Wanna go to my place?".
La pauvre fille n'a pas bronché. Probablement traumatisée. Son esprit venait d'être violé par ces pensées masculines. Des pensées banales. Mais prononcées.
Il me demande si je pense qu'il devrait aller voir un psy, comme à peu près tout le reste de cette ville.
"Mais non", je lui réponds, allongé sur le carrelage chaud du hammam.
"C'est sûrement parce que t'as pas une thune en ce moment.
Tout le monde a ces idées tordues. Comme de bouffer les frites d'un autre. Mais on les enfouit tout au fond de nous. Pas toi. Sûrement parce que tes soucis te rendent vulnérable.
T'as besoin de faire rentrer des dollars c'est tout. De jouer plus de concerts. Oubli le psy".
Il avait l'air un peu rassuré.
En sortant des bains il m'a invité à une fête le soir-même. Sur un rooftop du East Village. Il m'a glissé qu'il y aurait une surprise.
J'avais très hâte d'être à cette soirée. De me laisser bercer par cette folie douce qui fait le charme du East Village.
Et quand je suis arrivé sur le toit quelques heures plus tard j'ai tout-de-suite compris le sens de "la surprise". Toutes les filles étaient seins nus. C'était le thème. Tout le monde torse-nu.
Rien de vraiment surprenant pour downtown Manhattan. Et tellement plus sympa que toutes ces soirées déguisées que j'ai connues à Paris. Ces soirées où seul l'ennui n'est pas affublé.
Je rejoins Keith et sa petite bande, allongés sur un matelas. Ils étaient en pleine discussion avec trois paires de seins.
C'était en fin de journée. Une magnifique fin de journée. Le ciel était rouge. Nous prenions les derniers rayons de soleil en descendant des bières. La vie était belle.
Mais je sentais bien tout le potentiel de cette soirée à déraper sans prévenir. Je me suis promis de ne pas trop boire. Pour garder le contrôle. Les nuits du East Village sont très bon-enfant mais terminent généralement en tourbillon infernal.
Pour l'heure la soirée était magique. Tout le monde était ici pour s'amuser. Sans préjugé. Les gens étaient aussi décontractés que leurs tenues vestimentaires.
Un groupe de punks jouait du jazz manouche. L'alcool rendait très belles les filles topless. On était bien.
Chaque nouvelle bière ajoutait un peu plus de beauté à ces visages piercés. Les seins devenaient plus fermes. Les culs plus rebondis. Et je buvais une bière après l'autre. Parce que vous connaissez ma passion pour les culs bien rebondis.
Un autre groupe nous a rejoint avec une bouteille de Tequila. On s'est mis à boire des shots. Tout le monde était artiste. Musicien. Comédien. Peintre. Danseuse. Ce petit groupe était aussi sympathique que déjanté. Finalement la modération attendra bien demain.
Et doucement la nuit tombait.. Je voulais absorber toute la magie de cette soirée et me suis mis à papilloner.
Une fille dansait avec un boa. Ses seuls vêtements étaient tatoués. Le spectacle de cette fille nue s'agitant autour de son animal phallique était hypnotisant. On lui prêtait une attention détachée. Un truc normal quoi.
Je rejoins mon groupe d'amis assis en cercle. La nuit était complètement tombée. D'autres seins sont arrivés. Et une pipe s'est mise à tourner.
Quand elle est arrivée à moi un pote de Keith m'a tout-de-suite prévenu: "You know that's crack right?".
Merde. Et moi qui ai toujours eu horreur de la coke. Alors le crack... J'ai passé mon tour.
La pipe a repris son chemin sous les étoiles, autour de ce groupe riche en filles dénudées. Leurs lèvres embrassaient les unes après les autres le petit tuyau de verre. Elles faisaient légèrement ressortir leurs seins quand elles aspiraient. Mes yeux s'écarquillaient autant que les leurs.
La conversation s'agitait un peu plus à chaque fois que la pipe achevait un nouveau tour. Deux filles assises à côté de Keith ont commencé à se tripoter. Et puis à tripoter mon pote qui semblait avoir oublié tous ses soucis. La pipe m'est repassée par les doigts.
J'y ai mis la bouche.
La fille assise juste à côté m'a sussuré dans l'oreille en me serrant la cuisse: "Don't inhale the smoke Frenchie. That's not like weed."
Le caillou s'est mis à grésiller. J'en ai gardé la fumée quelques secondes avant de la recracher. Et un troupeau de chevaux s'est immédiatement mis à me galoper sur le crâne. J'avais la tête branchée à une centrale nucléaire.
La pipe tournait de plus en plus vite. Comme le débit de mes paroles. Une des filles m'a roulé une pelle sans prévenir. Une autre déclamait des poèmes survoltés. Un type se faisait sucer dans un coin. Et après ça je ne me souviens de rien.
Allez savoir par quel miracle, c'est dans mon lit que je me suis réveillé le lendemain. Mais j'étais dans un état épouvantable. Complètement déprimé. Je voulais me jeter par la fenêtre.
Je suis sorti pour chasser ces pensées. Dirigé péniblement vers Central Park. Assis sur un banc au niveau de 86th Street. Il faisait très beau. Le soleil brillait. Et j'étais sur le point de craquer.
Un homme d'une cinquantaine d'années s'est alors assis à côté de moi. Il commence à me parler. Perçoit ma détresse. Me demande si tout va bien.
Je confie mon désespoir à cet inconnu, dans cet anonymat qui compte au nombre des délices de New York.
Je lui dis que la vie n'a aucun sens. La mienne, en particulier. Et je lui demande comment les gens peuvent patienter si longtemps avant de crever. C'était pas la joie.
"Le seul moyen de patienter avant de mourir, et peut-être même d'oublier qu'on va mourir, c'est de se réaliser" me répond-il avec une fourmi sur le doigt.
"Regarde cette fourmi. Elle se réalise quand elle porte 300 fois son poids. C'est le sens de sa vie. Quand elle porte, elle est heureuse.
Mais pour nous c'est différent.
Nous sommes à la fois plus complexes et plus simples. Parce qu'on sait que la vie n'a pas de sens. Et qu'on va mourir.
Alors amuse-toi. Amuse-toi autant que tu le peux. Rempli de vie cette existence vide de sens. Plus précisément, prends du plaisir. C'est la version adulte de l'amusement".
Je suis d'accord avec lui mais pas aujourd'hui. Hier je me suis trop amusé. Et aujourd'hui j'ai envie de me flinguer. Cette soirée dans le East Village m'a vraiment fracassé. Je ne pensais qu'à reprendre de cette saloperie.
Alors sur ce banc bercé par le calme de l'Upper West Side je me suis fait une promesse. Jamais je ne déménagerai à downtown. Jamais.
C'est beaucoup trop taré. Et je suis moi-même assez cinglé.
Je risquerais bien de m'y trouver. Et de me perdre pour toujours.
"Your mama said packing lines is sin"
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