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22.1.14

Le livreur mexicain


New York est une machine bien huilée.  A tel point que c'est fascinant.

Tout est fait pour vous faciliter la vie.  Descendez dans la rue et vous trouverez ce que vous cherchez.  Clopes, massage, burger végétarien...  Tout.  A toute heure.  En un clin d'oeil.




Chaque bloc regorge de restos délicieux.  De bars où tout a été pensé pour rendre les gens plus beaux.  Même bourrés.  Et les inciter à flirter.  Ou de teinturiers qui lavent votre linge en 3 heures chrono.

La concurrence est impitoyable.  Les commerces se battent pour servir le New Yorkais.  Ce qui n'est pas exceptionnel est une anomalie qui ne tarde jamais à être corrigée.  On ne pourrait être plus éloigné du serveur parisien et du charme qu'on lui connait.

Tout cela pousse le New Yorkais à devenir exigeant.  Et même à établir une certaine hiérarchie de ceux qui le servent.

Le barman par exemple.  Assez haut dans la hiérarchie.  Parce qu'il vous ressemble.  Et que s'il vous aime bien vous aurez des bières à l'oeil.

Le serveur du "diner" (la version US des brasseries) est un cran en-dessous.

Et tout en bas il y a le livreur.

Toujours Mexicain.  Toujours petit.  Jamais un mot d'anglais.  Et toujours très souriant, bien qu'il vienne de pédaler 20 minutes sous la neige pour vous apporter votre grilled cheese à temps.




Ils fourmillent à travers la ville pour vous livrer - dans votre canapé - tout ce dont vous auriez besoin.  Et pourtant le livreur mexicain est traité comme une sorte de sous-homme.

Ce n'est pas de la méchanceté.  Juste de l'indifférence.

Le New Yorkais donne 20% de pourboire à la serveuse qui marche de la cuisine à sa table pour lui apporter son "fried chicken".  Par contre, le pauvre mexicain qui a quitté la chaleur de son pays pour se geler les orteils à pédaler dans le froid devra se contenter de quelques dollars.

C'est un autre aspect de New York.  Votre travail détermine "qui vous êtes".  Si celui-ci est précaire, ça passe tant qu'il vous permet de manger et de vous consacrer à votre véritable passion.  Tant que vous poursuivez vos rêves.

Parce que New York est la ville des rêves et des ambitions.

La plupart des serveuses courent les castings pour devenir actrice, mannequin ou chanteuse.  Le barman est souvent un bariton qui rêve d'entrer au MET.  Ou un peintre qui prépare sa première expo.  Ou un doctorant à Columbia terminant sa thèse.

Le livreur mexicain, lui, est ici pour survivre.  Pas pour réaliser ses rêves.  Et quelque part la "jungle de béton qui créée des dreams" le lui fait payer.


Empire State of Mind (feat. Alicia Keys) by Jay-Z on Grooveshark
"Concrete jungle where dreams are made of
There's nothing you can't do
Now that you're in New York"

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