Dans ma tête de Français les Ricains étaient bourrés de contradictions.
Des contradictions qui étaient en fait mon incompréhension. Et il m'a fallut des années pour le comprendre.
En particulier, je ne pigeais rien à deux aspects fondateurs des US: l'individualité et la liberté. Parce qu'ils existent dans une société très formatée. A la sauce US en somme.
Aux States on inculque aux enfants l'idée d'individualisme dès le plus jeune âge. Surtout par le sport et la musique. Parce qu'ils enseignent la compétitivité et la créativité. Toutes deux expressions de l'individualité.
C'est à la fois fantastique et irritant.
Fantastique parce que les gens ont confiance en eux. Les Ricains ont une personnalité en acier trempé. Ils sont créatifs. Volontaires. Ils veulent vivre à fond. Ce ne sont pas des bêtes soumises.
Mais irritant aussi parce que chacun se sent "so special". Comprenez extraordinaire. Et parfois ça énerve.
Quand une fille que vous connaissez à peine vous parle de ses mecs par exemple. Déjà en soi c'est irritant.
Mais elle finira toujours par rajouter "He didn't make me feel SPECIAL, you know??".
Sur ce petit ton de princesse qui donne envie de répondre "Honey, you're not 'SPECIAL'. Just another cunt". Je me suis toujours retenu. Parce que j'essaye d'être un garçon poli. Et peut-être que j'avais envie de les niquer aussi.
Mais à côté de cette individualité les Ricains ont un esprit de groupe très développé. Ce qui semble contradictoire. Au début je n'y comprenais rien.
Le sport par exemple. Une véritable religion. La Nation entière communie chaque année en bouffant des wings devant le Superbowl. Ou devant les World Series pour le baseball.
L'esprit de groupe s'exprime aussi sur les grands sujets de société. Ils rappellent le collectivisme et la pensée unique qui font le charme de la Corée du Nord.
Prenons la question du droit des homosexuels.
Un célèbre CEO s'est récemment fait virer sans ménagement pour avoir exprimé son opposition au mariage gay.
Je suis dans le camp des gentils pour le coup. Qu'est-ce que ça peut bien lui foutre que deux personnes du même sexe veuillent se marier?
Mais faut pas déconner.
Le type s'est fait viré pour une idée certes pas très sympa, mais qui n'a somme-toute rien de bien monstrueux. Certains se demanderont de quel côté est l'intolérance.
Pareil pour la chasse aux sorcières dont sont victimes les gays qui préfèrent rester bien au chaud dans le placard. La communauté gay en fait des hommes à abattre. Au même titre qu'un Hiltler en très grande forme.
Mais cet esprit de groupe a pour but de faire avancer la société vers l'idéal qui est le sien. Et très vite.
Un idéal qui permet à l'individu de se réaliser. D'être accepté pour ce qu'il est. Quelles que soient ses différences. C'est ainsi que les US réconcilient esprit de groupe et individualité. En mettant le premier au service du second.
Parfois tout ça va très loin. Trop loin. Mais toujours dans le sens de la liberté. Une liberté version US. A laquelle nous Français ne comprenons pas grand chose non-plus.
Les Ricains sont puritains et pourtant leur vie sexuelle est débridée. Déjà ça paraît louche. Tout comme leur respect de la loi au pied de la lettre. Ou l'omniprésence du politiquement correct. Alors qu'on entend parler de "liberté" à longueur de journée.
Ca paraît incohérent.
En fait c'est très simple.
La liberté est le bien le plus précieux pour les Ricains. Le fait que chacun puisse faire ce qu'il veut sans venir se faire emmerder est au coeur de leurs préoccupations et de leur Constitution.
Mais pour protéger cette liberté il faut s'assurer qu'elle ne dérange personne. Strictement personne. D'où le caractère "lisse" de la sphère publique. Le politiquement correct. Le puritanisme. Etc.
La sphère publique en devient insipide. C'est le prix à payer pour que la sphère privée soit libre. Et que chacun puisse vivre sa vie comme il l'entende.
C'est quelque chose qui s'observe tous les jours quand on vit aux Etats-Unis. Notamment à New York.
La ville pullule de services de livraison de drogue à domicile. Ces services sont des entreprises huilées comme des horloges suisses. Vous appelez un dispatcher qui vous envoi son représentant le plus proche. Et dans la demi-heure vous avez la substance de votre choix dans les mains.
Ces services gèrent des millions de chiffre d'affaire. Tout le monde sait qu'ils existent. Y compris les flics. Et pourtant on les laisse tranquille.
On les laisse tranquille parce qu'ils transfèrent le trafic de drogue de la sphère publique (i.e. la rue) à la sphère privée (i.e. chez vous). Tout le monde est content.
En France c'est différent. La liberté est vue comme une nuisance. Un danger. Un risque qu'il faut maîtriser. Par l'autorité.
L'essentiel de ce qui nous oppose vient de là.
"And can you hear the sound of hysteria?
The subliminal mind fuck America."
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