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29.10.14

Celle qui savait


"Bon ben maintenant que je suis réveillé autant aller un peu plus tôt au bureau!"

Vous les connaissez ces matins?  Ceux où vous vous réveillez beaucoup trop tôt par accident, et décidez de commencer la journée aux aurores.  Vous les connaissez?  Pas moi.

Ca ne me viendrait pas à l'idée de sortir du lit une seconde avant l'heure prévue.  Je suis un peu fainéant vous savez.  Et j'ai de qui tenir.

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De ma grand-mère.

Elle disait toujours "oula surtout pas!  C'est très mauvais de se réveiller d'un coup comme ça!  Très mauvais.  Toujours se laisser une bonne demi-heure à traîner dans le lit avant de se réveiller complètement".

Une vraie faignasse.  Et avec un petit coté épicurien.

J'allais souvent déjeuner chez elle quand j'avais 13-14 ans.  Et puis un jour elle a posé une bouteille de vin sur la table, s'en est servi un verre et m'a lancé faussement honteuse: "Je suis un peu une alcoolique tu sais...".

Je lui ai immédiatement demandé si je pouvais en avoir un peu moi-aussi.  Fallait pas laisser filer l'occasion.  Elle m'a servi sans broncher.  Et avant d'avoir terminé son lapin à la moutarde on avait descendu deux bouteilles.

Il pleuvait assez fort en sortant de chez elle.  Mais je suis rentré à pied, le long du Quai Louis Blériot.

La Seine me soufflait ses vents glacés à travers les os et j'étais tout mouillé.  Mais j'avais chaud.  Je me sentais bien.  Tellement bien.  Première biture.  Merci Mamy.  J'étais ivre mort et j'adorais ça.

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Mais ma grand-mère n'était pas qu'une flemmarde à la descente un peu rapide.  Elle m'a aussi beaucoup appris.

L'autre jour je regardais la télé et ça m'a fait penser à elle.

C'était l'émission d'un mec qui arprente le monde entier pour goûter des trucs bizarres.

Alors cette fois c'était la Thaïlande.  Il s'est retrouvé dans un resto qui proposait un truc vraiment bizarre pour le coup.  Le truc le plus dégueulasse qu'on puisse manger.  De la merde.

Pour être très précis, de la merde en fabrication.  De l'herbe partiellement digérée, extraite des entrailles de la vache.

On ne parle donc pas vraiment de merde.  Plutôt de "demi-merde".  Mais c'est quand même de la merde vous pensez pas?  Si on vous sert un verre de jus d'orange et qu'on vous dit qu'il contient 0,001% de merde, vous le buvez?

Bien sûr que non.  Parce qu' IL Y A DE LA MERDE DANS VOTRE JUS D'ORANGE.  Ben là c'est pareil.

Et bien vous savez ce qu'aurait dit ma grand-mère?

Qu'ils avaient sûrement de très bonnes raisons de faire ça.  Et que de toutes façons c'était pas mes affaires.  Si ça leur plaît de manger de la merde, qui je suis, au juste, pour leur dire de faire autrement?


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Son ouverture d'esprit allait jusque-là.  Et je ne l'ai jamais entendue juger qui que ce soit.  Jamais.  A part peut-être une fois.  C'était il y a au moins dix ans.

On marchait tranquillement le long du boulevard des Capucines et tout-à-coup elle s'est arrêtée.  Ma grand-mère venait de repérer quelque chose.

Elle a levé le bout de sa canne en tremblant un peu, l'a pointée vers la foule qui s'agglutinait devant l'Olympia, a froncé le sourcil et m'a lancé: "C'est quoi ça?"

Une centaine de trentenaires faisait la queue devant la salle de concert.  Ils étaient tous habillés comme des gosses de six ans et chantaient du Chantal Goya à l'unisson.  C'était elle qui se produisait ce soir.  Ma grand-mère ne comprenait pas.  Son cerveau venait de bugger devant la situation.

Elle m'a demandé de lui expliquer.



Ils se replongent dans leur enfance parce que tout était plus simple.  La vie était plus facile quand ils jouaient au foot dans la cour de l'école avec des balles en mousse.

Et tout n'était encore que potentiel.  Rêves.  L'enfant qui promet n'était pas encore un adulte dépressif qui s'ennuie à mourir.

Elle a secoué lentement la tête en fronçant les sourcils, comme le font les vieux pour exprimer leur désapprobation.

Puis elle s'est dirigée vers un fan en short, avec un petit t-shirt rose, une trottinette et un cartable comme on en avait à l'époque.

Ma grand-mère s'est plantée devant le type et l'a fixé droit dans les yeux.  Puis elle a secoué la tête et a laissé siffler son "pssssssss" par lequel elle crachait son mépris.

Elle lui a ensuite tourné le dos et m'a dit, assez fort pour qu'il entende:

"Alors maintenant c'est ça un homme?  Sérieusement??   
Il fera quoi ce type le jour où un autre s'attaquera à sa femme ou à ses enfants?  Il se laissera marcher sur les pieds.  Comme une fiotte.  Il ne protègera jamais personne. 
Regarde-le, avec ses toutes petites épaules, sa petite voix de petite fille, sans parler de son accoutrement!   
Grotesque.  Et laisse-moi te dire que de mon temps c'était différent.  Un homme ça ressemblait à un homme.  Pas à un gosse de quatre ans."




Le type humilié, ma Mamy pouvait reprendre sa route et retourner à ses affaires.

Elle a ruminé le truc pendant tout le trajet et c'est en arrivant chez elle qu'elle m'a donné une leçon que je n'oublierai jamais:

"Ils n'ont rien compris.  L'enfance c'est fait pour rêver.  Et l'âge adulte, pour réaliser ses rêves.  Pas pour les ressasser comme ça.  
Tu crois que cette bande d'idiots fait quoi que ce soit de sa vie, à part sucer des tétines en salopette?  Et passer des journées, puis des années, et puis une vie, à s'ennuyer dans une vie qu'ils détestent assez pour se retrouver dans un état pareil?
Alors bien sûr il arrive qu'on s'égare.  Il y a des factures à payer.  Elles nous éloignent parfois de nos rêves.  Mais il faut toujours travailler pour les réaliser parce qu'au final c'est tout ce qui compte.  Même si on ne s'en approche qu'à petits pas.  Ce qui importe c'est d'être dans la bonne direction."  
------§------

Quelques années plus tard on avait cessé de se ballader ensemble.  Elle s'est retrouvée clouée dans son appartement, trop usée pour sortir.

Je lui rendais souvent visite mais un nouvel occupant avait pris place à ses côtés.  Un occupant austère.  Incongru.  Le silence.  La solitude.  Cet appartement était devenu triste.  Je scrutais, pensif, les murs de cette salle à manger qui avait déjà l'air abandonnée.  Nos éclats de rire y résonnaient encore.

La dernière fois que je l'ai vue elle ne pouvait plus parler.  Mais une flamme brillait toujours dans ses yeux.  Une flamme qui l'avait guidée toute sa vie.  Qui l'a poussée à construire une vie qui lui ressemblait.  Elle n'a laissé personne la lui voler.  Elle en était fière, et heureuse.

Et ma grand-mère s'est endormie avec la satisfaction du travail bien fait qui lui pointait au coin des lèvres.


The sidewinter sleeps tonite by R.E.M. on Grooveshark
"Call me when you try to wake her up"
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21.10.14

La taille qui compte


Chacun le sait.  Une belle paire de seins est une bénédiction pour toute fille qui en est gratifiée.

Les portes de restaurant s'ouvrent toutes seules devant une grosse poitrine.  Elle attire les regards désireux quand ils sont masculins, admiratifs et envieux quand ils sont féminins.

Une belle paire de pêches permet de décrocher des jobs, de boire à l'oeil, et plus généralement de mettre toute l'autre moitié de l'humanité au garde-à-vous.  Prête à servir.

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Tous les hommes se changeraient en gentlemen si les implants mammaires étaient remboursés par la sécu.  Même les moins délicats d'entre nous seraient plongés dans un état constant de béatitude servile.

Les femmes apprécieraient, forcément.  Et les tensions du quotidien s'en trouveraient appaisées.  L'harmonie sociale serait (r)établie.  C'est un type qui donnerait tous les plus beaux seins de New York pour un petit cul bien sexy qui vous le dit.

Le Bonheur National Brut augmenterait à mesure que les poitrines s'alourdiraient.  Les affaires de notre capitaine mal-aimé s'arrangeraient à coup sûr avec ça.  Au point où il en est, autant prendre des mesures un peu couillues.

Enfin.  Je ne vous apprends rien avec tout ça.  Le pouvoir du décolleté abondant est explosif.  Ce n'est un secret pour personne.

En revanche, on évoque rarement l'avantage que représente le fait d'être généreusement doté de l'autre côté.

"C'est pas la taille ki compte, c'est comment kon s'en sert", etc. etc.

Bullshit.

Quand une femme s'asseoit nue sur un homme, quand elle glisse tout le long de son gros membre pendant une dizaine de minutes et que, forcément, elle jouit 2-3 fois, et bien cette femme, elle tombe amoureuse.  Systématiquement.

Elle ne pourra pas non-plus s'empêcher de poser toutes sortes de questions.

Les filles sont toujours très curieuses à cet endroit.  On vous demandera si une seule fille a déjà eu le courage de vous quitter, vous et votre baigneur géant.  Ou encore si votre intimité vous procure un surcroît de confiance en vous.  Ce genre de choses.

Alors cette curiosité peut surprendre.  Parce qu'il ne s'agit quand même pas de quelque chose de très compliqué.  Tu touches, ça grandit.  Tu touches plus, ça rétrécit.  C'est tout.

Il n'y a pas milles questions à se poser.  Aucun mystère à percer.

Pourtant les filles en parlent beaucoup entre elles.  Enormément.  Et leurs spéculations sont parfois farfelues.

Je vais vous raconter la plus surprenante d'entre elles.  Récemment j'étais à un concert avec deux copines.  La queue pour aller aux toilettes étaient délirante: peut-être 50 types qui se tortillaient sur place en attendant de se vider la vessie.

Et vous savez ce que les deux m'ont demandé, avec de grands yeux avides de satisfaire une curiosité très sincère?

"Est-ce que vous les hommes, vous partagez l'urinoir quand il y a autant de monde que ça?"

.......

Bien sûr.

Et puis on en profite pour croiser l'épée aussi, après s'être aspérgé l'un-l'autre.

Une autre copine m'avait raconté qu'elle s'était retrouvée au lit avec un type qui avait une cacahuète entre les jambes.  Intriguée, elle a tenu à le revoir pour un autre date, afin de le ramener chez elle et de confirmer sa première impression.

Vérification faite, le type s'est retrouvé avec un nouveau surnom.  Le genre de surnom qu'on garde pour la vie: baby carrot.  Elle ne l'a plus jamais revu.


Aucune pitié.  Les filles n'ont aucune pitié.  Et ça se comprend: une petite bite est une petite bite et restera une petite bite.  Quoi qu'on fasse.  Telle situation ne laisse pas de place à l'espoir.

En revanche, un homme bien doté niquera à volonté.  Parce qu'elles en revoudront toutes.  Encore.  Et encore un peu plus, quand vous pensiez qu'elles s'étaient enfin lassées.

Cette vérité n'est jamais prononcée, par délicatesse pour celles qui le sont le plus.  Et parce qu'elle n'est révélée que dans l'intimité.  Elle n'est pas accessible à tous.

Mais cette vérité, ne nous y trompons pas, n'en est pas moins une.


I Cut Like a Buffalo by The Dead Weather on Grooveshark
"I cut like a buffalo"
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20.10.14

Jeff Koons au Whitney


J'ai été voir l'expo de Jeff Koons ce weekend, au Whitney.


Une expérience bizarre.  N'écoutez pas forcément ce que je vais vous dire parce que c'est un type qui n'y connait rien qui vous parle.  Mais enfin, allons-y.



On ressent déjà une certaine gêne à contempler pendant de longues minutes un aspirateur.  On se sent idiot.  Comme si l'artiste vous tendait un piège-à-con et que vous étiez tombé dedans.

Vous sentez le regard des autres badauds vous gratter dans le dos.  Ils se moquent de vous.  Ou peut-être pas du tout?  On est quand même au Whitney.  Une institution du modern art...  Tout ça doit être au moins un peu sérieux non?


Mais ça ressemble quand même beaucoup à une supercherie.  On serait pas en train de se foutre de votre gueule là?


Alors j'ai été lire le petit descriptif qui explique ces aspirateurs.  Et figurez-vous que tout ça a un sens.

Ces appareils ménagers semblent exagérément neufs.  Ca brille.  Les couleurs sont vives.  C'est clinquant.


Mais en même temps ils appartiennent clairement à une autre époque.  Celle des années '70.  Ils sont à la fois excessivement neufs, et terriblement obsolètes.


L'idée serait que toute création, commerciale en l'occurence, est vouée à l'obsolescence.  L'innovation fascine au moment de sa création, mais tôt ou tard elle fera rire.  Son génie s'en va toujours avec le temps.


Ces créations jaillissent du néant pour toujours y retourner.  Comme tout ce qui existe?  Comme nous les Hommes vous me direz?    Mouais.  Ca n'a pas justement déjà été fait 2000 fois par le passé ça?


Enfin.  


Il y avait aussi ces énormes sculptures qui se donnent des airs de ballons gonflables.  Sûrement ses oeuvres les plus connues.



Elles sont en apparence légères comme l'air.  Mais en réalité elles pèsent plusieurs tonnes.  L'intérieur n’est pas fait d’air mais de métal.  Un métal lourd.  Et très sombre.

Ces statues se donnent des airs de légèreté.  Elles sont gonflées d'air et de vie.  Elles représentent l'amour.  L'enfance.  Etc.  Mais en vérité c'est tout le contraire.

Elles sont lourdes.  Sombres.  Elles ont la capacité de vous écraser malgré leurs apparences joyeuses, candides et séduisantes.

 Vous savez qu'on associe souvent l’amour à des papillons dans le ventre.  L’enfance à l'innocence.  On ressort pourtant rarement indemne de l’un ou de l’autre.

 On pourrait aussi avoir un regard inverse.

 La vie est souvent triste dans son essence, dans ce qu'elle est vraiment.  On va tous claquer.  Mais parce que nous vivons nous devons lui donner les allures de ce qui est joyeux.  Au final seuls la joie et le bonheur comptent vraiment.

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Il faut tous être un peu dandy.  Traiter avec légèreté ce qui est sérieux, et avec sérieux ce qui est léger.  Et ainsi la vie devient la vraie vie.

Je les aime bien ces sculptures, mais c'est peut-être parce que ce sont les seules que l'on m'ait vraiment expliquées.

Une autre oeuvre dont je me souviens bien est cette réplique de la Liberty Bell.  

Un truc énorme, qui semble être sur le point de se casser la gueule.  


Une vieille cloche gigantesque qui paraît être posée de façon bancale.  Elle menace d'écraser son socle qui, lui, est impeccable.  


Un peu comme si le temps menaçait toujours de détruire toute création humaine.  

Un peu comme le coup des aspiros..  Je sais pas.  Peut-être.




Mais je suis ressorti de cette expo un peu perplexe.  


Vous vous sentez bien en sortant, parce que ces installations respirent la gaieté et l'innocence.  


Mais l'idée qu'on s'est essentiellement foutu de votre gueule ne vous lâche pas pour autant.  On se dit que le butt-plug de la place Vendôme avait au moins le mérite de l'audace, de l'humour et de la dérision.


Bon.  Jeff Koons c'est avant-tout des sentiments.  Des sentiments positifs, mais qui masquent les souffrances qui sont au coeur de toutes choses.


Mais prenez ça pour ce que ça vaut: les impressions d'un type qui n'y connait rien.


Allez, une dernière juste pour le fun:




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17.10.14

Ces trucs qui font peur


Quand quelqu'un monte les marches du métro juste devant moi j'ai toujours peur qu'il me pète dans le nez.

New York est une ville de grand civisme vous savez.  Mais ces choses arrivent.  Et j'y pense au moins tous les jours.

J'ai aussi peur de me retrouver à la rue.  En ce moment ça ne marche pas trop mal mais on sait jamais.


Alors je me suis déjà trouvé mon coin de clochard.  Il est vraiment pas mal.

C'est sur West End Avenue, dans l'Upper West Side.  Assez de monde pour espérer trouver une p'tite pièce quand je me réveille, mais pas assez non-plus pour m'empêcher de dormir.  Et puis c'est pas un quartier désagréable, même quand on crève la dalle.

J'ai aussi souvent peur qu'un jour, ma copine me trompe.  Qu'elle trouve un type plus riche, plus beau et plus intelligent que moi (y'en a sûrement un paquet) et qu'elle finisse par me dire "That's over babe.  I'm sorry.  He's just better".

C'est pas impossible.

Elle le rencontrerait peut-être au travail.  Il commencerait par la draguer un peu et ça ne lui déplairait pas.  Elle résisterait, au moins au début.  Mais elle y pensera et à force d'y penser elle cédera.

Ils iront au resto, s'embrasseront dans le taxi, passerons la nuit ensemble.  Elle tombera amoureuse.  Et pour moi s'en sera fini.

Est-ce que ça pourrait vraiment arriver?  J'en sais rien.  Mais c'est possible, bien sûr.  Ces choses arrivent.  Comme un pet en plein visage.


Ca vous bouffe la vie d'avoir peur.  Mais on n'a pas vraiment le choix parce que c'est sûrement comme ça depuis des millénaires.  Il nous fallait avoir peur.

Un homme juste avec sa bite et son couteau n'a jamais fait peur à personne.  Vous plaisantez ou quoi?  Avant la poudre les singes nous pissaient à la raie pour se marrer entre eux.

L'homme c'était la baltringue de la jungle.  Le nerd de la savane.  Celui qui en connaît plus que vous mais qu'on peut taquiner sans avoir quoi que ce soit à redouter.

On était faibles.  Il nous fallait donc être peureux pour avoir une chance de nous reproduire.

Etre terrifiés par le danger.  Et tout faire pour l'éviter.  Si tu vois un lion tu fous le camp.  N'essaye pas de courir après en te demandant quel goût aurait sa cuisse si tu la faisais rôtir.

On avait tellement peur qu'on en est d'ailleurs arrivé à préférer ce qui ne présente absolument aucun danger.  C'est une coïncidence vous pensez si les animaux les plus délicieux sont aussi les plus inoffensifs?

Regardez le porc, délice suprême du royaume animal.  Ca n'a jamais fait peur à personne un cochon.  Et ça court pas très vite non-plus.  Easy target.

Pareil pour la vache.

Et le poulet?  Un oiseau qui sait même pas voler le pauvre.


Nous avons appris à apprécier la simplicité parce que tout le reste nous terrifiait.  Ca nous était inaccessible.

Mais alors comment doit vivre celui qui aspire à avoir un peu plus que ce qui est à son immédiate portée?

Celui qui prend des risques pour vivre une vie qui le fait bander dès le réveil?  Comment fait-il pour vivre avec sa peur?

Certains se lancent, et puis improvisent.  Je suis de ceux là.  J'ai besoin d'être au pied du mur pour vraiment avancer.  Si j'écoutais ma raison je n'irais nulle part.  Mes tripes comptent beaucoup plus.

D'autres se plongent dans une suractivité qui frise parfois l'hystérie.  Pour ne pas trop penser à ce qu'ils ne peuvent pas contrôler.  Pour échapper à ce qui leur échappe.

Mais tous essayent de conjurer leurs craintes d'une manière ou d'une autre.  Les plus malins, eux, l'utilisent.

La peur peut nous détruire et limiter nos vies considérablement.  Mais on peut aussi s'en servir pour lui donner toute sa mesure.

Rester celui dont elle est tombée amoureuse.  Continuer à la faire rêver.  Et toujours la baiser un peu mieux que la fois d'avant.

Anticiper les pièges que la vie nous tend parfois, parce qu'on les redoute.  Mais ne jamais chercher à les éviter si le résultat est qu'on se retrouve à fermer les portes d'une vie qui nous ressemble.

Oui ma copine pourrait sûrement trouver beaucoup mieux.  Mais je continue de m'émerveiller devant son corps parfait dès que je la nique sur le lavabo et comptez pas sur moi pour renoncer à ça ou au reste.

Il faut savoir déjouer ses craintes.  Parfois ça suffit.

Et la vie fera bander!


02. Having A Blast by All Day Green on Grooveshark
"To me it's nothing"
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16.10.14

Je préfère glisser


Je ne mets jamais les pieds au Starbucks.  Déjà parce qu'ils essayent de faire cool et que ça sonne faux.  C'est grotesque leur truc.  Trying too hard comme ils disent.

Mais surtout parce que faire vingt minutes de queue pour un café ça fait quand même un peu rationnement soviétique vous pensez pas?  Comme ça le matin je peux pas.  La bodega du coin fait l'affaire.



Je ne regarde quasiment jamais la télé non-plus.  Beaucoup de Ricains ne comprennent pas.  Ils me demandent pourquoi.  Parce que vous vous retrouvez à regarder des pubs pendant la moitié du temps.  Du bruit.

J'évite aussi comme la peste le sud de Central Park le weekend.  Des touristes allongés par milliers sur les pelouses ou à pédaler en groupe autour du loop.  Pareil pour le West Village vendredi et samedi.  Ou Fifth Avenue tout le temps.  Je peux pas.  Trop de monde.

New York est une ville où il faut apprendre à contourner ce genre d'emmerdes.  Il faut slalomer entre ces énormes pesanteurs qui ressemblent à de sombres buildings.  Parce que sinon c'est un enfer vous savez.  Vous n'êtes jamais tranquille.

Mais ça c'est juste moi.  Il y en a que ça ne dérange pas.  On dirait qu'il y en a même qui cherchent à s'enliser dans ce genre de merdier.  Jouer des coudes.  Ils y trouvent du plaisir.  C'est une forme de challenge et de compétition.

Les cronuts par exemple.  L'été dernier toute la ville ne parlait que de cronuts.  Il fallait bouffer des cronuts.  Et Karina, ma copine, voulait donc des cronuts.


Elle s'est retrouvée à sept heures du mat' devant la seule boulangerie qui en vendait, derrière 200 personnes qui voulaient elles-aussi des cronuts.  Trois heures de queue.  Dès sept heures du mat'.  Comptez pas sur moi putain.

On s'est vu après son périple, en fin de matinée, sur une table et deux chaises dans Madison Square Park.

Triomphante, elle pose ses deux cronuts sur la table (le maximum qu'on puisse acheter d'ailleurs, pour le petit côté soviétique).

Je croque dedans et elle me regarde avec un grand sourire et les yeux qui trépignent d'impatience.  J'étais curieux moi aussi.  Et bien très franchement, le cronut, c'est dégueulasse.

Je n'ai pas osé le lui dire bien sûr.  Alors elle y est retrournée le lendemain.  Même topo.  Sept heures du mat'.  Trois heures de queue.  J'irai en enfer.

Certains choisissent de défier New York.  De lui rentrer dedans tête baissée, en se faisant de la place à coups de coudes bien placés.  Ils vivent à la fois avec et contre la ville.

Je préfère la souplesse.  Me faufiler dans la vie New Yorkaise avec l'agilité de celui qui vit sans trop s'emmerder pour rien.  Aller au Shake Shack le Dimanche en plein Financial District par exemple.  Y'a personne.  Dans tous les autres c'est la guerre.

Ou sortir le weekend dans des speakeasy encore pas trop connus.  Y passer la soirée à brancher des filles alcoolisées dans des ambiances tamisées.  Alors qu'ailleurs ça se frotte les aisselles entre étudiants survoltés et B&Ts cocaïnés en se battant pour, peut-être, une Bud Light.

Et dans la vie en général c'est comme ça aussi.  Eviter les difficultés inutiles.  Les souffrances qui retiennent.  C'est pas la peine.  La rivière glisse entre les rochers tout le long de son chemin.  Ha!


The Harder They Come by Jimmy Cliff on Grooveshark
"And then the harder they come
The harder they fall, one and all"
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