J'ai quitté la France parce que trop de choses m'y emmerdaient.
Et je suis parti aux Etats-Unis parce que beaucoup d'autres m'y attiraient. Mais la vie aux US, parfois, c'est bizarre.
(par exemple) |
Des trucs étranges. A l'opposé de ce qui va de soi en France.
En particulier par rapport au travail. Parce que c'est ce qui compte le plus dans la vie d'un Ricain. Leur travail les définit presque entièrement.
Ce qu'ils aiment dans la vie ne compte pas autant. Ce qui les fait vibrer, réfléchir ou aimer. Ce dont ils sont curieux. Tout ce qui donne du goût à la vie. Ca n'a pas tant d'importance. Ce qui compte le plus c'est leur job.
Et c'est pour ça qu'une des toutes premières questions quand vous rencontrez quelqu'un est toujours What do you do?
La réponse à cette question détermine l'ensemble de votre vie. Qui sont vos amis. Qui vous fréquentez. Qui vous baisez. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a autant de mythos.
Des types qui se disent "entrepreneur" mais qui vraiment vendent des trucs sur eBay.
Des "actors" auto-proclamés qui traînent leur carcasse d'audition en audition pour décrocher un rôle de figurant. Des "writers" qui travaillent depuis trois ans sur un "projet" qui peine à exister ne serait-ce que sur papier.
J'ai beaucoup de respect pour ceux qui essayent de vivre de leur passion vous savez. Mais faut pas déconner.
Et le nombre de mes potes qui racontent N'IMPORTE QUOI dès qu'ils parlent à une fille un peu potable... Ils s'inventent des vies de toute pièce pour la tremper dans quelque chose de plus ou moins baisable. Bon, je ne vais pas trop faire le malin. J'ai souvent été comme ça.
Mais tout ça pour dire qu'en France la considération d'un individu est plus générale. Ce n'est pas qu'une question de ce qu'on fait pour gagner sa croûte. Ce n'est pas qu'une question de succès.
Au contraire d'ailleurs. En France on se méfie du succès. Chez nous le succès est suspect. Vulgaire, même.
Un artiste ne peut pas être vraiment talentueux s'il est populaire. Celui qui aime ce qui est trop répandu manque de goût. L'ambition, au mieux, est une illusion. "Ca march'ra jamais".
Alors qu'aux Etats-Unis le succès c'est tout ce qui compte.
Et ça change pas mal de choses. Des trucs tout cons, et d'autres plus importants aussi.
Par exemple vous savez que lire des romans aux US c'est toujours vu comme une perte de temps? La "Littérature". Cette littérature qui compte tant chez nous. Activité dilettante. Un truc de branleur, vraiment.
Et c'est vrai qu'un roman ne vous apprendra jamais grand chose. Ca ne changera rien à votre carrière en tout cas.
Alors quand on lit aux States c'est pour apprendre. Apprendre pour devenir meilleur dans son job. Plus performant. "Grandir" professionnellement. Apprendre des trucs qui servent tout de suite.
Mais en France la littérature a quelque chose de noble. Parce que c'est l'évasion. Le voyage dans l'imaginaire. Prendre de la hauteur et plonger en profondeur.
Ca sert a rien. Mais parfois aussi ça change des vies. Certains livres ont changé ma vie.
The Goldfinch (en Français ici). Mon préféré.
Vendredi ou les limbes du Pacifique. Un Roman Français aussi. Mais aux US les romans les plus considérables ne seront que des distractions.
Autre différence. L'école.
Aux States on forme des travailleurs. Des rejetons à valeur économique optimisée. En France on privilégie la culture générale. On forme des citoyens.
Ces deux systèmes sont opposés. Ni l'un ni l'autre n'est parfait. Et l'éducation aux Etats-Unis a quelque chose de réducteur.
Mais vivre ici fait aussi réfléchir à des choses qui vont de soi en France. Mais qui n'ont rien de si évident que ça.
Par exemple, vous pensez vraiment que le fait que seul l'Etat puisse payer pour l'éducation des enfants soit forcément une bonne chose?
L'Etat qui choisi de quoi remplir la tête des enfants. Faut vraiment avoir confiance putain. Et si vous ne pensez pas que ce soit un problème, c'est peut être que l'Education Nationale a (trop) bien fait son travail.
Et puis vous trouvez que l'Ecole de la République, dont on est tous si fiers, est aussi fabuleuse qu'on le dit tout le temps? Qui en France croit encore en l'idée "d'ascenseur social" par exemple?
Mais ce que je veux vraiment vous dire, c'est que je suis heureux de vivre aux US. Mais que je le suis encore plus d'avoir grandi en France.
Parce que c'est vrai qu'on est plus tristes. Plus sensibles aussi. On s'énerve facilement pour rien.
On est grognon et pas toujours très sympa. C'est vrai.
Et peut-être aussi qu'on est trop tourné vers le passé. On se méfie de l'avenir. On a peur d'avancer. On contemple la vie avec une certaine morosité.
Mais on a aussi davantage de recul que les Ricains. Je sais pas. On est beaucoup moins névrosés.
Je vous jure, les petits tracas du quotidien par exemple, ils s'en font des montagnes.
Aux US si vous avez oublié votre parapluie et qu'il se met à pleuvoir c'est vécu comme une catastrophe. Ils vont se haïr pour leur négligence. Se diront qu'ils ne sont pas à la hauteur.
Alors qu'en France, et ben on sera mouillé. Et c'est pas si grave. "Y'a pire" comme on dit.
Et ils se font beaucoup de soucis pour les grandes choses de la vie aussi.
Est-ce que je vais atteindre mes buts? Sont-ils trop ambitieux? Assez ambitieux? Pourrais-je être fier de ma carrière dans 10, 20, 30 ans? Un peu? Beaucoup?
Ces questions leur courent constamment à travers la tête parce qu'elles les définissent presque entièrement. Et elles courent en mode "panic".
En France on est plus cool là-dessus. Parce que c'est la personne que l'on est qui nous définit vraiment. Pas ce que l'on fait. Ca génère moins d'angoisse.
Et les Ricains ne sont jamais satisfaits. Il leur manque toujours quelque chose. Parce qu'ils se comparent constamment les uns aux autres. Et ça, c'est le vrai piège.
Parce que peu importe qui vous êtes, vous trouverez toujours quelqu'un de plus intelligent que vous. De plus riche. Charismatique. Marrant. Quelqu'un qui a plus de succès.
Et mesurer sa propre valeur relativement au succès des autres c'est courir une course dont la ligne d'arrivée s'éloigne à mesure qu'on avance. On n'est jamais content.
En France on a le mérite de savoir que chaque personne est unique. De comprendre que la valeur d'un homme est multiple.
Boire l'apéro entre potes. Lire un bon bouquin sous la couette un soir d'hiver. Sentir la nature s'éveiller au début du printemps. Attraper le regard d'une inconnue dans la rue et le retenir assez longtemps pour échanger un sourire.
Tous ces petits plaisirs qui ne mènent à rien. Mais qui font que la vie vaut vraiment la peine d'être vécue.
Pour les Ricains, ce sont des distractions sur un chemin sans fin. Alors je suis heureux d'être Français. Et de pouvoir apprécier la vie pour ce qu'elle est.
"I dreamt of gold and jewels and for sure it was no wonder"
Tweet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire