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29.3.16

Le geek et le berbère


A priori rien de commun entre l'art et la technologie.

rockstar


Le poète transporté vers l'infini en scrutant le ciel ne ressemble pas au geek qui se gratte les couilles entre deux lignes de code.

Rien de commun non-plus entre la rockstar héroïnomane ou l'écrivain dandy et l'entrepreneur du web un peu autiste.

Pourtant l'art et la technologie c'est pas si différent que ça. En fait c'est très similaire. C'est même presque pareil.

Parce que ce sont les deux moyens que l'homme a toujours eu pour améliorer sa condition. De rendre sa vie plus sympa. Ou supportable. De façon collective.

Ca fait parti des trucs que j'ai compris dans le désert.

Vous savez, je viens de passer une semaine dans le Sahara. Et c'est fabuleux de s'imaginer comment vivaient les peuples qui ont toujours vécu là-bas. Les Berbères. Les Bédouins. Tous leurs copains.

Ils passaient leur vie à marcher sous un soleil de plomb. Au milieu de rien. Le néant total. Que du sable brûlant aux alentours. Sur des milliers de kilomètres. C'est à devenir fou.

Alors le seul moyen d'échapper à leur condition c'était par l'imagination. En se transportant ailleurs. Se libérer du rien, par l'esprit. Par l'art.

Et leur créativité s'est exprimée en musique. Dans leurs vêtements. Leurs contes. Leurs armes aussi.

La journée ils vivaient dans le vide d'une fournaise infernale. Mais la nuit ils voyageaient à travers le cosmos.

Et c'est pareil pour nous. On vit souvent dans un néant de sens. "Sens" comme dans "ce qui a du sens", et comme dans "sensoriel" aussi.

Beaucoup d'entre nous passons des journées entières à accomplir un travail qui nous rend au mieux indifférent. A errer à travers nos vies comme des fantômes qui n'ont de prise sur rien.

Alors on écoute des chansons en fermant les yeux. On regarde des films en fumant des pétards. On va au musée ou on lit des livres et ça nous transporte ailleurs. Pour un moment.

Et ça a toujours été ça, la fonction de l'art. Élever l'esprit vers autre chose. Dépasser notre condition. Nous faire oublier la vie et la mort. Pour un moment.

Et c'est pareil pour la technologie.

La technologie ça a toujours le moyen pour nous d'améliorer notre condition.

De façon concrète et matérielle, en augmentant notre confort de vie. En optimisant notre production.

Et de façon existentielle aussi. En nous faisant avancer. En construisant. Construire collectivement un futur et oublier celui, moins excitant, qui nous attend tous individuellement.

Le berbère n'avait que l'art pour échapper à sa condition. Mais s'il avait pu planter des tomates il aurait planté des tomates. Comme tout le monde. Et il aurait terminé par construire des immeubles et des voitures et des hôpitaux. Comme tout le monde.

L'art. La technologie. Deux façons d'améliorer le présent. De remplir le vide. De donner du sens à la vie.

Et ce qui est vraiment cool c'est qu'aujourd'hui les deux s'entremêlent de plus en plus. D'un point de vue esthétique au moins.

Le design des interfaces est le facteur indispensable à une utilisation de masse.

Et l'utilisation de masse permet la récolte des données, matières premières d'aujourd'hui et surtout de demain.

Le design c'est aussi ce qui permet la visualisation efficace de ces données, leur compréhension, leur interprétation. C'est ce qui leur donne de la valeur.

Alors un peu d'art s'immisce dans la technologie. De plus en plus. Et plus seulement pour "faire joli" comme du temps d'Andy Warhol. Mais pour y prendre une place centrale. Tout le long de la création de valeur.

Et peut-être que les deux choses les plus précieuses de l'humanité ne font-elles que commencer à ne faire qu'un?


"Just a little something to help to keep you high"


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