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13.1.16

La jambe de Mathilde


Elle avait 17 ans et moi aussi. Je le sais parce que c'était l'été des résultats du bac Français.

Nous étions allongés sur un matelas gonflable dans la piscine. Mathilde et moi. On flottait côte à côte dans la nuit en regardant les étoiles. C'était cool.

Elle ne portait qu'un petit maillot beige. Je sentais la douceur de sa cuisse contre le dos de ma main. Sa peau humide frottait la mienne. Ses jambes longues et bronzées. J'étais super excité mais absolument terrifié. J'étais très timide.



J'aurais rêvé de trouver le courage de tourner ma main. Simplement tourner la main. Franchir cette ligne qui sépare le couillon qui n'ose pas de celui qui tente un truc. Passer en une seconde du rien du tout au monde magique des possibilités infinies.

Tenir sa cuisse bronzée dans le creux de ma main. Lui signifier qu'elle m'attirait. Caresser tout le long de cette jambe splendide. J'aurais tout donné pour trouver le courage de franchir cette ligne invisible.

Mais je n'ai rien fait. Trop timide. Petrifié. Il ne s'est rien passé.

Le pire c'est qu'en y réfléchissant après coup il est évident que Mathilde attendait que je me dégourdisse un peu. Qu'il se passe un truc. Elle riait trop fort à mes blagues pourries. Se tripotait les cheveux nerveusement en parlant. Se frottait l'intérieur de la cuisse. Tous les signes qui ne trompent pas - je n'en ai vu aucun.

Et j'y pense encore, à la douceur de la cuisse de Mathilde. A tout ce qui aurait pu se passer si j'avais eu le courage de tourner la main. J'ai bien dû me branler 1000 fois en me repassant le film. Ca m'arrive encore aujourd'hui pour tout vous dire.

On se serait embrassé. J'aurais caressé l'intérieur de sa cuisse et peut-être qu'elle l'aurait écartée un peu. Ma main aurait été attirée un peu plus haut entre ses jambes. Elle aurait mis sa langue dans ma bouche. Elle aurait gémi un peu.

Et puis on aurait été dans sa chambre et elle se serait cambrée en faisant ressortir ses petites fesses. J'aurais fait glisser le bas de son maillot le long de ses jambes encore humides de la piscine. Et à partir de la j'aurais sans doute fait un truc stupide, mais dans mon rêve tout se passe vraiment bien et j'entends Mathilde crier de plaisir pendant que je m'active sur son cul splendide.

On se serait revus à la rentrée. Elle habitait Versailles donc c'était pas trop loin. Et peut-être qu'elle serait devenue ma copine vous savez.

Peut-être qu'on se serait vu les weekends.

Et peut-être que pour la première fois j'aurais eu quelqu'un dans ma vie qui croyait en moi.

Peut-être que les années qui ont suivies auraient prit un tournant différent. Si j'avais simplement tourné la main. Probablement pas. Mais peut-être.

J'ai passé mon année de terminale complètement défoncé. Toujours en jogging, vêtement officiel de celui qui a abandonné. Affalé en travers des tables de cours en faisant semblant de dormir pour qu'on me laisse tranquille.

A partir de cette période de ma vie toutes les décisions que j'ai prises ont été les mauvaises.

J'étais complètement paumé. Incapable de me projeter dans l'avenir. De me construire un futur. J'étais un fantôme qui passait à travers les couloirs et les années sans aucune prise sur la réalité. La seule chose que je sentais c'était le mur se rapprocher.

J'ai traversé les dix années qui ont suivi dans un brouillard et j'en rendais mon entourage responsable.

J'en voulais à mon père de ne jamais avoir été à la hauteur. A ma mère. A mes potes.

Alors que la vérité c'est que j'étais un garçon déprimé qui n'arrivait pas à avancer. Personne n'y pouvait rien à part moi. Et c'est seulement quand j'en ai pris conscience que les choses ont commencé à s'arranger.

Je me suis forcé à voir la vie autrement. A sortir la tête de l'eau. Personne n'aime un dépressif. C'est tellement chiant un déprimé.

J'ai appris à reconnaître mes pensées négatives et à les bloquer immédiatement (peur, angoisse, jalousie, ressentiment, etc.)

Et je me suis mis à faire plus et à penser moins. Et plus je faisais plus je prenais confiance en moi. Et plus je prenais confiance en moi plus je réussissais. C'était magique. Je me coupais du passé et je me (ré)inventais.

Peu importe que mon père ait toujours été misérable dans son rôle. Peu importe toutes ces années gâchées. Peu importe que Mathilde et moi sommes restés deux inconnus.

La vérité c'est que tout ce qui comptait est ce que je faisais à partir d'aujourd'hui pour avancer. Le passé n'avait plus d'importance parce que je prenais la main sur mon futur.

Ca a été un tournant dans ma vie et quitter mon pays en a fait partie.

J'ai realisé que la seule influence que le passé peut avoir sur notre futur est celle qu'on lui laisse avoir. Et il peut vraiment nous le gâcher.

Mais en soi le passé n'a pas d'importance. Parce qu'on ne peut rien y changer. Tout ce qui compte c'est l'avenir. Et il ne tient qu'à nous de l'écrire.

Le soir du réveillon j'ai rencontré une fille qui avait l'âge de Mathilde de la piscine. Elle n'avait pas l'air dans son assiette. Elle aussi semblait paumée.

Alors je lui ai dit tout ce que le type qui était allongé à côté de Mathilde aurait dû entendre.

Qu'il y a 18 ans elle venait à peine de naître donc que ces années lui apparaissaient comme une éternité. Mais que les 18 prochaines années allaient passer en un clin d'oeil.

Qu'elle se réveillerait peut-être un matin en se demandant où toutes ces années sont passées. Flanquée d'une vie qu'elle n'aura pas forcément choisie. Une vie imposée par les circonstances.

Et que le seul moyen d'éviter ça c'était de la prendre en main. De se mettre du plomb dans la tête dès maintenant. Pour ne pas avoir à le faire dans 18 ans.


'I can remember when I saw her last'

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