Comment assassiner un homme politique

Ce qui suit s'est passé dans la tête d'un homme politique français très connu, un soir d'Avril 2011.

"Trente ans qu'ils me prennent pour un couillon.  Trente ans qu'ils se moquent de moi entre eux.  Trente ans qu'ils sont sidérés à chacune de mes victoires.

J'ai un style bien à moi.  Ils n'y comprennent rien.  Ils n'ont jamais compris.  Je vais leur montrer une bonne fois pour toutes.

J'ai tué mes adversaires les uns après les autres.  A chaque fois de la même manière.  En les endormant sous mon air benêt.  Ravi.  Inoffensif.  Mais ils ne se réveillent jamais.  Je les dévore bien avant.

Et les femmes...  Cinquante ans qu'elles me marchent sur les pieds mais j'aurais vraiment niqué les plus belles.  Ils ne comprennent pas.  C'est mon style.

Je suis un crocodile.  J'avance si lentement que vous me croyez immobile.  Vous ne vous méfiez pas mais j'avance.  J'avance...

Et dès que vous êtes à portée de mâchoires je vous dépèce sauvagement.  Soif de sang.  Je suis un tueur.  Aucune pitié.  Vous n'avez pas idée.

Alors aujourd'hui ils me méprisent.  Comme toujours.  Ils ne s'imaginent pas une seconde que je vais gagner.  Personne ne me voit venir mais je vais gagner.  Je vais tous les bouffer.

Enfin.

Il y en a quand même un qui m'emmerde.  Un qui pose un vrai problème.  Le seul contre qui je n'aie aucune chance.  Plus charismatique.  Plus compétent.  Beaucoup trop fort.  Je ne fais pas le poids.  Chaque jour qui passe renforce cette évidence.

Sauf si...

Sauf si ça marche.

Sauf si ce qu'on lui mijote fonctionne comme prévu.  Mon seul adversaire serait éliminé pour de bon avec ça.   Pulvérisé.  Assassiné.

Déjà deux mois que l'autre chauve à lunettes me tâne avec son plan.  J'ai pas dis oui.  J'ai pas dis non.  J'aime pas trop prendre des décisions.

J'ai fait pire dans ma vie.  Le problème n'est pas là.  Mais personne ne va croire à un truc pareil.  C'est beaucoup trop gros.

Après c'est vrai que c'est bien ficelé...  C'est sérieux.  Minutieux.  Très tentant.  Mais je ne devrais pas y aller.  Qui pourrait croire une telle histoire?

Bon.  En même temps il vit aux Etats-Unis.  Le politiquement correct là-bas c'est quelque chose.  Ca peut faire des miracles.

Un homme Blanc, riche et puissant qui s'attaque sauvagement à une femme Noire et pauvre...  Quelques années en prison sur simple soupçon.  En tout cas ça fera de belles photos.  Suffisamment pour l'écarter définitivemement.

Trois semaines que je tortille du cul.  Vraiment, je devrais pas y aller.  Mais qu'est-ce que j'ai à perdre?  Pas grand chose.  Et si je gagne...  Si je gagne c'est le gros lot.

...

Quand même.  C'est un ami après tout...  J'aurais bien aimé qu'il soit là pour célébrer mon couronnement.

Mais je n'ai pas le choix.  C'est la seule chose à faire.  Il devra croupir en prison.

Et pour tout dire j'ai hurlé de rire la première fois qu'on m'a lancé cette idée.  Ses déviances sexuelles sont déjà grotesques.  Tout le monde est au courant.  Pourquoi ne pas les propulser dans le désopilant?

L'homme un peu pervers mais très respectable se trouve nu dans sa suite.  Une femme de chambre croise son chemin.  Foudroyée par l'animal.

Allez.  Je vais la lancer cette opération 'piggy in the pokey'.  J'appelle Pierre.  Au moins on va se marrer.

Par contre comptez pas trop sur moi après tout ça.  Il me faudra des vacances.  De très longues vacances.  Ca fatigue la politique."

"I'm a king bee, let me come inside"